La tension est montée de plusieurs crans, dans la matinée, à la frontière entre le Liban et Israël. Deux soldats et un journaliste libanais, du quotidien Al-Akhbar, ont été tués dans des échanges de tirs entre armées libanaise et israélienne dans le secteur d'Aadaissé, dans le sud-est du pays, ont indiqué les services de sécurité libanais. L'armée israélienne a de son côté confirmé la mort d'un haut gradé israélien.
Par ailleurs, un journaliste de la chaîne libanaise Al-Manar et un soldat israélien ont également été blessés, selon l'armée israélienne.
Les affrontements, qui mettent fin à quatre ans de calme entre les deux pays (voir chronologie), ont débuté en fin de matinée alors que des soldats israéliens tentaient de faire tomber un arbre du côté libanais de la frontière. "Il y a eu un échange de tirs entre les armées libanaise et israélienne à la Ligne bleue dans la zone d'Aadaissé", a indiqué le porte-parole de la Force des Nations unies au Liban (Finul), Neeraj Singh. Des témoins libanais ont fait état de plusieurs tirs d'obus israéliens.
Le président libanais Michel Sleimane et le Premier ministre Saad Hariri ont aussitôt dénoncé une "agression" israélienne et une nouvelle "violation de la souveraineté libanaise".
"Israël viole quotidiennement l'intégrité territoriale du Liban, a déclaré le ministre de l'Information libanais, Tarek Mitri. Mais ces évènements représentent une escalade tout à fait inattendue, dont les motifs nous sont inconnus : l'armée israélienne a traversé la Ligne bleue et tiré sur l'armée libanaise. Celle-ci a riposté fortement. Elle était dans son plein droit."
De son côté, Tsahal a estimé que l'armée libanaise portait la "pleine responsabilité" de ces heurts. Elle "a ouvert le feu en direction d'une position de l'armée le long de la frontière libanaise, dans le nord d'Israël. La force se trouvait en territoire israélien, menant des travaux d'entretiens de routine", a indiqué l'armée israélienne.
Au contraire, selon l'armée libanaise, ce sont les soldats israéliens qui ont ouvert le feu en premier lieu. "L'armée libanaise a riposté, a indiqué un porte-parole. Une maison à Aadaissé a été touchée par un obus tiré par un char israélien." Les "soldats israéliens ont tiré quatre obus qui sont tombés près d'une position de l'armée libanaise à Aadaissé et l'armée a riposté", a confirmé un autre responsable des services de sécurité.
Outre deux soldats libanais, un journaliste du quotidien libanais Al-Akhbar, proche de l'opposition, a été tué. Assaf Abu Rahhal, âgé d'une soixantaine d'années, était le correspondant du journal dans la région. "Il était l'un des premiers sur place et se trouvait près d'un poste de l'armée libanaise qui a été bombardé", explique Pierre Abi Saab, responsable du service culturel d'Al-Akhbar.
"Assaf était l'un de nos journalistes les plus dynamiques, poursuit-il. C'était un journaliste de terrain et d'investigation, ce qui est de plus en plus rare dans la presse libanaise et arabe. Nous sommes à une époque où beaucoup sont de faux-témoins, qui passent leur temps derrière leur bureau... Assaf faisait en quelque sorte partie d'une caste en voie de disparition. J'espère que sa mort va provoquer une onde de choc parmi nos collègues, quel que soit leur bord politique, et les motiver à aller chercher de véritables témoignages."
"Nous sommes encore sous le choc, ajoute Pierre Abi Saab. Nous avons les yeux rivés sur les écrans de télévision pour voir comment cela va se terminer, si cela se termine... Nous espérons que cela va se calmer mais la décision ne dépend pas du peuple libanais. Elle dépend d'un choix régional et d'un choix stratégique de l'ennemi."
"La main israélienne qui prend pour cible l'armée libanaise sera coupée"
Ces heurts interviennent alors que les tensions étaient déjà fortes au Liban, en raison notamment de la probable inculpation de responsables du Hezbollah par le Tribunal spécial pour le Liban, dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Les tensions entre l'État hébreu et le Hezbollah se sont également accentuées récemment, Israël ayant accusé la Syrie de fournir des missiles Scud au parti chiite.
"La situation reste très volatile, précise Isabelle Dellerba, correspondante de France 24 à Beyrouth. Tout le monde ici pense qu'il y aura, à un moment ou un autre, une nouvelle guerre entre Israël et le Hezbollah ; tout le monde s'y prépare. Les évènements de ce matin ont opposé des soldats libanais à des soldats israéliens, et le Hezbollah est pour l'instant resté en retrait. Mais il est évident que si le parti de Dieu décidait d'entrer dans le jeu, la situation pourrait s'aggraver très rapidement."
Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui s'est exprimé dans la soirée, à l'occasion du quatrième anniversaire de la fin de la guerre de juillet 2006, a prévenu que son mouvement ne resterait pas passif si Tsahal attaquait une nouvelle fois l'armée libanaise.
"Je vous dis que dans tout lieu où l'armée sera agressée et où se trouverait la Résistance (Hezbollah), celle-ci ne restera ni silencieuse ni disciplinée", a martelé le dirigeant islamiste dans un message vidéo. Et de poursuivre : "La main israélienne qui prend pour cible l'armée libanaise sera coupée".
Nasrallah a précisé que les militants du parti avaient été mobilisés et qu'ils avaient été "à la disposition de l'armée" libanaise. Mais il a souligné que ses combattants avaient reçu l'ordre de ne pas intervenir dans les heurts de mardi.
La Finul, qui tente de maintenir le calme, a elle appelé à un "maximum de retenue". "Les soldats israéliens se sont retirés du territoire libanais et les échanges de tirs se sont arrêtés", a affirmé dans l'après-midi le ministre de l'Information libanais. De son côté, le chef du commandement du nord d'Israël a déclaré que ces évènements "ne se reproduiraient pas".
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